Philanthropie et politique sociale : un mariage de raison ?
La philanthropie et la politique sociale sont deux domaines qui, bien que distincts, sont de plus en plus interconnectés dans la société contemporaine. Alors que la philanthropie se concentre sur les actions caritatives et les dons pour le bien commun, la politique sociale vise à mettre en place des politiques et des programmes pour améliorer la qualité de vie des citoyens. Mais comment ces deux entités interagissent-elles, et pourquoi leur collaboration est-elle de plus en plus essentielle ?
Histoire de la philanthropie en France
Pour comprendre l’interaction entre la philanthropie et la politique sociale, il est utile de remonter à l’histoire de la philanthropie en France. Au XIXe siècle, dans le contexte de la Seconde Révolution industrielle, émergent les premières initiatives philanthropiques. Des hommes d’affaires et des banquiers, tels qu’Alexis Rostand, Isaac de Camondo et Henri Cernuschi, ont soutenu des actions sociales liées à la santé, l’éducation, la recherche scientifique et la culture[1].
A lire aussi : L’éducation à la citoyenneté : un enjeu majeur
Cette tradition philanthropique s’est renforcée au fil des décennies. Dans les années 1960, André Malraux, ministre des Affaires Culturelles, a donné un nouvel élan au mécénat en encourageant la création de fondations. La Fondation de France, créée en 1969, a bénéficié du soutien de la Banque nationale de Paris (BNP) et de Paribas[1].
Le rôle des fondations dans la philanthropie
Les fondations jouent un rôle crucial dans la philanthropie moderne. La Fondation BNP Paribas, par exemple, a été créée en 1984 sous l’égide de la Fondation de France. Son objectif est de soutenir des projets à vocation humanitaire, culturelle, éducative et scientifique. Depuis sa création, la Fondation BNP Paribas a renforcé ses engagements dans divers domaines, notamment la culture, le social, la recherche scientifique et médicale[1].
A lire en complément : Comparaison internationale des politiques sociales
Voici quelques exemples d’actions emblématiques de la Fondation BNP Paribas :
- Création de l’Institut du glaucome de l’Hôpital Saint-Joseph en 1990
- Partenariat avec l’Association de la Fondation étudiante pour la Ville (AFEV) en 1996
- Soutien aux créations d’Angelin Preljocaj dès 1989 et de Gabriel Garrido pour sa fresque musicale les chemins du Baroque dès 1992
Ces initiatives démontrent comment les fondations peuvent être des acteurs majeurs dans le soutien à des causes d’intérêt général.
Interaction entre philanthropie et politique sociale
La philanthropie et la politique sociale interagissent de plusieurs manières. Les entreprises et les fondations peuvent compléter les actions de l’État en soutenant des projets qui répondent à des besoins sociaux spécifiques.
Exemples de collaboration
- Le Fonds de Dotation Transatlantique : Ce fonds a soutenu plus de 250 bénéficiaires, dont l’ADIE, Aurore, et l’Institut Imagine. Il agit dans les domaines de la solidarité, de la santé et de la culture, montrant comment la philanthropie peut renforcer les politiques sociales[2].
- L’Institut de France : Cette institution distribue chaque année près de 25 millions d’euros sous forme de prix, bourses et subventions à travers ses fondations. Elle favorise le dialogue entre les acteurs de la philanthropie et les pouvoirs publics, permettant la mise en œuvre de solutions concrètes pour la société[3].
Avantages fiscaux et reconnaissance légale
Les lois françaises ont évolué pour encourager le mécénat d’entreprise. La loi du 23 juillet 1987 a reconnu d’utilité publique les fondations d’entreprise, et la loi Aillagon de 2003 a renforcé les avantages fiscaux relatifs aux fondations[1].
Les sociétés à mission : un nouveau modèle
La création de la qualité de « société à mission » en 2019, via la loi Pacte, a marqué un tournant dans l’engagement des entreprises en faveur de la société. Ces entreprises doivent inscrire dans leurs statuts une « raison d’être » ainsi que des objectifs sociaux et environnementaux cohérents avec cette raison d’être.
Exemple concret
- Cetih : Cette entreprise industrielle, spécialisée dans les portes et fenêtres, est détenue à 35% par un fonds de dotation, Superbloom. Ce fonds soutient des actions en faveur de l’éducation alternative et des femmes en situation de précarité, illustrant comment les entreprises à mission peuvent intégrer la philanthropie dans leur modèle économique[4].
Impact sur la société civile
La collaboration entre la philanthropie et la politique sociale a un impact significatif sur la société civile.
Protection sociale et secours
Les fondations et les entreprises mécènes contribuent à renforcer la protection sociale en soutenant des projets qui aident les populations vulnérables. Par exemple, le soutien aux associations comme Aurore et l’ADIE aide à l’insertion professionnelle et au secours des personnes en difficulté[2].
Éducation et genre
Les initiatives philanthropiques peuvent également se concentrer sur l’éducation et la promotion de l’égalité des genres. La Fondation BNP Paribas, par exemple, a soutenu des projets éducatifs et culturels qui visent à promouvoir l’égalité des chances pour les jeunes filles et les femmes[1].
Conseils pratiques pour les entreprises et les individus
Pour ceux qui souhaitent s’engager dans la philanthropie et contribuer aux politiques sociales, voici quelques conseils pratiques :
Créer un fonds de dotation
Les fonds de dotation offrent une structure flexible et durable pour soutenir des causes à long terme. Ils permettent de rassembler des ressources financières et de les allouer de manière stratégique aux projets qui vous tiennent à cœur[2].
S’impliquer dans des associations et fondations existantes
Rejoindre ou soutenir des associations et fondations déjà établies peut être une manière efficace de contribuer à des causes sociales sans avoir à créer une nouvelle structure[3].
Intégrer la philanthropie dans votre modèle économique
Pour les entreprises, intégrer la philanthropie dans leur modèle économique peut renforcer leur raison d’être et leur impact social. Cela peut se faire en créant une fondation d’entreprise ou en soutenant des projets à travers un fonds de dotation[4].
La philanthropie et la politique sociale ne sont pas des entités séparées, mais plutôt des partenaires complémentaires dans l’amélioration de la société. Les fondations, les entreprises mécènes et les pouvoirs publics travaillent ensemble pour répondre aux défis sociaux et environnementaux. En comprenant et en renforçant ces interactions, nous pouvons créer un impact plus significatif et durable pour le bien commun.
Tableau comparatif : Fondations et sociétés à mission
Entité | Objectif principal | Domaines d’action | Exemples |
---|---|---|---|
Fondation BNP Paribas | Soutenir des projets humanitaires, culturels, éducatifs et scientifiques | Culture, santé, recherche scientifique, éducation | Institut du glaucome, AFEV, Angelin Preljocaj |
Fonds de Dotation Transatlantique | Soutenir des projets de solidarité, santé et culture | Solidarité, santé, culture | ADIE, Aurore, Institut Imagine |
Sociétés à mission (Cetih) | Intégrer des objectifs sociaux et environnementaux dans leur modèle économique | Éducation alternative, soutien aux femmes en situation de précarité | Superbloom, éducation alternative |
Institut de France | Distribuer des prix, bourses et subventions pour les arts, sciences et lettres | Arts, sciences, lettres | Prix et bourses annuels, fondations abritées |
Citations pertinentes
- “La philanthropie est souvent une démarche préexistante au passage en société à mission. Elle peut découler de la nature même de la société : les mutuelles, comme la MAIF ou le Crédit Mutuel Arkéa, sont des acteurs de l’économie sociale pour qui la philanthropie est consubstantielle à leur modèle.”[4]
- “L’idéal de fraternité et de secours dans le domaine intellectuel, littéraire, scientifique, artistique, mais aussi sur le plan du mécénat et de la philanthropie, est l’autre versant d’une même et unique mission au service de l’intérêt général.”[3]
En fin de compte, la philanthropie et la politique sociale forment un mariage de raison qui peut apporter des bénéfices significatifs à la société. En comprenant et en renforçant ces interactions, nous pouvons créer un avenir plus équitable et durable pour tous.